Par un arrêt en date du 27 septembre 2023 (n° 21-22.937), la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion de revenir sur la protection assurée au salarié lors de son congé paternité.
Il sera en effet rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1225-4-1 du Code du travail, "Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat de travail s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant."'
Au cours de ces dix semaines (qui incluent le congé paternité de 25 jours calendaires dont peuvent bénéficier les pères depuis le 1er juillet 2021), l'employeur dispose toutefois de la possibilité de rompre le contrat :
- pour faute grave ;
- en raison de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant.
Dans l'arrêt du 27 septembre 2023, était en cause une affaire dans laquelle à la suite de la naissance de son enfant le 10 janvier 2018, un salarié s'était vu notifier son licenciement le 24 janvier 2018 suivant, pour cause réelle et sérieuse.
Considérant que son licenciement était intervenu durant la période de protection prévue à l'article L. 1225-4-1 du Code du travail, le salarié avait saisi le juge prud'homal.
Pour le Conseil de prud'hommes puis la Cour d'appel, aucun doute possible, ledit licenciement est nul, dès lors qu'il se fonde sur une cause réelle et sérieuse.
Pour autant, l'employeur considérant que les motifs évoqués à l'appui de la rupture étaient bien étrangers à la naissance de l'enfant de son collaborateur, il décida de se pourvoir en cassation.
De façon tout à fait logique, la chambre sociale de la Cour de cassation valide le raisonnement du juge d'appel : dès lors que l'employeur avait licencié son collaborateur pour une cause réelle et sérieuse, il ne démontrait pas l'impossibilité de maintenir son contrat de travail.
À première vue, la protection offerte en cas de congé paternité serait donc identique à celle offerte aux mères.
Or, il n'en est rien, dès lors que la chambre sociale a précédemment refusé de reconnaître une protection identique concernant les actes préparatoires au licenciement, qui ne sont donc prohibés que dans le seul cas du congé maternité (Cass. soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.036).
Ainsi, au cours des dix semaines de protection suivant la naissance de l'enfant, il demeurerait théoriquement possible :
- De proposer au jeune père la conclusion d'une rupture conventionnelle ;
- De procéder à des actes préparatoires à un licenciement, par exemple en procédant à la convocation à un entretien préalable ou en recueillant des attestations auprès de collègues de travail.
Cette seconde option semble toutefois à proscrire dès lors que la position actuelle de la chambre sociale n'est selon nous pas conforme à l'évolution de la législation européenne, et plus particulièrement à la Directive 2019/1158 du 20 juin 2019 sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, qui précise en son article 12 :
" 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement de travailleurs et toutes mesures préparatoires en vue d'un licenciement au motif qu'ils ont demandé ou pris un congé prévu aux articles 4,5 et 6 ou au motif qu'ils ont exercé le droit de demander une formule souple de travail visée à l'article 9."
Au sens de cette directive, il n'y aurait donc pas lieu de distinguer le congé paternité du congé maternité.
Cette précaution est d'autant plus importante que les conséquences peuvent être extrêmement lourdes pour l'employeur, dès lors que tout licenciement prononcé au mépris des règles de protection du salarié encourt la nullité.
Ainsi, la nullité du licenciement permet au salarié :
- Soit de solliciter sa réintégration sur son poste, et à défaut sur un poste équivalent.
- Soit de bénéficier d'une indemnité pour licenciement nul ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, outre les différentes indemnités de rupture et dommages-intérêts auxquels il pourra prétendre.
À retenir : au cours des 10 semaines suivants la naissance de l'enfant du collaborateur, son contrat de travail ne pourra être rompu que : - Dans le cadre d'une rupture conventionnelle ; - Pour faute grave ; - En raison de l'impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la naissance de l'enfant (par exemple, inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement, licenciement économique). Enfin, tout acte préparatoire au licenciement est selon nous à proscrire au cours de cette période de protection de 10 semaines. |
Si vous rencontrez une problématique similaire, n'hésitez pas à prendre attache avec le cabinet, afin de bénéficier d'un accompagnement adapté.
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